Nombre de gens piégés

mercredi 30 mars 2011

Anatomie de l'enfer (2004) de C. Breillat


"L’enfer c’est les autres", Catherine Breillat semble avoir fait femme cette affirmation sartrienne. Car l’enfer ici c’est bien la femme, ou plutôt son con, sa sexualité. Mais il n’est pas question d’érotisme ou de pornographie, mais d’anatomie, comme l’explicite si bien le titre : « anatomie de l’enfer ». Il s’agit de s’interroger en toute neutralité sur l’obscénité des femmes et la construction intemporelle de cette notion par le regard de l’homme. Regard marqué par une vision quasi satanique de la femme, comme si la radicale différence de ses organes génitaux (ou ce que l’on appelle généralement « le vide » ou le « triangle d’or ») présupposait un mal absolu, une obscurité infini. Chose que confirme la chasse aux sorcières, ou dans l’Ancien Testament, le mythe de Judith et Holopherne, ou même les sirènes homériques de l’Iliade. L’idée d’une femme prédatrice et manipulatrice qu’incarnerait à merveille la femme du Péché du célèbre tableau de Franz von Stuck, et que décrit si bien Michelet dans son livre La sorcière, ou même Barbey d’Aurevilly dans les Diaboliques. L’histoire commence alors dans une boîte gay, les hommes dansent sur de la techno entrainante et propice au rapprochement des corps. Dans cet amoncellement de bruit et de sueur, Breillat nous propose un tableau plutôt déroutant sur la non désirabilité de la femme. Car au milieu de tous ces hommes, Amira Cassar, pourtant belle, n’intéresse personne. Oubliée, presque transparente dans cet univers masculin, elle tente de se suicider en s’ouvrant les veines, mais un de ces hommes (Rocco Siffredi) la surprend dans les toilettes et l’arrête. Elle ne semble pourtant pas du tout bouleversée par ce qu’elle vient d’accomplir, calme et impassible elle lui propose alors un ultime marché : durant quatre nuits l’homme devra l’observer dans toute sa nudité, il jouera le rôle du voyeur au jugement le plus neutre possible, en échange il sera bien sûr payé (ultime caution de sa présence). C’est alors que commence une épopée discrète mais brutale, sur la femme, sa sexualité, et bien sur son anatomie. Les regards se croisent dans l’intimité de la chambre, sans jamais tomber dans l’érotisme facile, ni les émotions fortes. Au contraire, la pièce n’est habitée que par un silence quelque fois interrompu par des dialogues poétiques et déclamés à la manière du théâtre lyrique. Presque toutes les scènes se déroulent dans cet espace clôt mais emplit de sens, qu’est la chambre. Les quelques scènes en extérieur sont des bouffées d’air frais, des moments de fuite, d’évanouissement pour échapper à la noirceur de cet enfer féminin. La femme est révélée dans sa plus parfaite nudité, rien n’est laissé au hasard, rien n’est caché, mais pourtant le mystère féminin persiste. Catherine Breillat arrive à nous faire voir l’obscénité qui fait la femme tout en laissant peser un silence étouffant sur le plaisir féminin. Mais si les ingrédients de la réussite sont réunis, on ne peut s’empêcher de penser que tout cela sonne un peu faux. Le jeu des acteurs est paradoxalement surfait (paradoxalement car ils ne sont sensés justement ne jouer que très peu). Les dialogues collent difficilement à l’action. On a envie d’y croire, de suivre la réflexion, mais on perçoit un manque de bout en bout. Et cet effet est encore plus déroutant car on sent que l’on approche quelque chose de crucial, d’essentiel, mais sans jamais réussir à l’atteindre. La courte durée du film (1 heure) y est peut être pour quelque chose, laissant planer un vide inquiétant autour de cette étude de genre.

Max.

3 commentaires:

  1. Le vide, rien que le vide... Sacré triangle d'or.

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  2. C'est exactement ca, tout est là, toute l'histoire de la femme et des relations avec l'homme s'explique par ce "vide" ce manque en fait (même dans l'Education Sentimentale de Flaubert par ex)

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  3. Une excuse pour mater un film ole ole.^^

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